
Décision du
Tribunal administratif
de Paris
Le 21 Février 2018
Le 21 février 2018, le Tribunal administratif de Paris invalide les bases légales sur lesquelles étaient prises la décision de fermeture à la circulation des voies sur berges. Cette décision aboutit à l’annulation de la fermeture des voies aux automobilistes (et non pas à la réouverture des voies aux automobilistes). La décision du Tribunal n’emporte pas la réouverture des voies aux voitures, elle ne porte que sur la validité des fondements sur lesquels ont été prononcé la fermeture à la circulation automobile.
Les requérants :
Cette décision du Tribunal administratif fait suite à la saisine de requérants de différents statuts, saisine qui témoigne d’un regroupement d’acteurs en défaveur de la fermeture à la circulation des voies.
Les requérants sont deux usagers de voie de circulation, la région Ile-de-France et les départements qui la composent (le département des Hauts-de-Seine, le département des Yvelines, le département de l'Essonne, le département du Val-d'Oise et le département de Seine-et-Marne), l’établissement public territorial Paris Est Marne et Bois, la commune de Charenton-le-Pont, la commune de Le Perreux-sur-Marne, la commune de Maisons-Alfort, la commune de Saint-Maur-des-Fossés, la commune de Saint-Maurice et la commune de Villiers-sur-Marne.
Sont regroupées quatre requêtes différentes, qui demandaient la même chose (l’annulation de la délibération du Conseil de Paris) et est aussi reçu la requête qui demande l’annulation de l’arrêté créant une aire piétonne sur les berges. Ainsi, quand plusieurs personnes distinctes demandent la même chose, le tribunal peut regrouper les requêtes pour répondre par un seul jugement, ce qu’on appelle une jonction.
Se joignent également à la requête plusieurs dizaines de communes (cf jugement: lien à mettre sur le site !! https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-30711-Jugement-tribunal-voiessurberges-Paris.pdf ) ainsi que l’association des maires du départements des Hauts-de-Seine. Il ne s’agit pour leur part non pas d’une requête mais d’une démarche de soutien de la requête, qui est, pour la plupart de ces requérants rejetée par le Tribunal (pour manque d’intérêt à agir).
La décision :
Par cette décision, le Tribunal administratif annule la délibération du Conseil de Paris du 26 septembre 2016 qui émettait un avis favorable à la fermeture à la circulation des voies, ainsi que l’arrêté de la Mairie de Paris du 18 octobre 2016, prononçant la fermeture effective.
La délibération du Conseil de Paris est annulée sur le motif que les mesures effectuées lors de l’étude d’impact qui portent sur des éléments majeurs d’appréciation de l’intérêt général comportent des inexactitudes, des omissions et des insuffisances.
L’arrêté du 26 septembre 2016 a été annulé pour manque de base légale, la mairie n’étant compétente que pour interdire à certaines heures l’accès à la circulation sur certaines voies d’agglomération et non pas de manière totale (article L. 2312-2 du code général des collectivités territoriales). Le jugement indique néanmoins que la mairie peut se fonder sur l’article L.2213-4 du CGCT, qui permet une interdiction permanente pour des raisons écologiques de la circulation automobile dans une partie de la commune, si le nouvel arrêté expose les motifs qui justifient cette interdiction.
Il est important de comprendre que par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris n'a ni ouvert ni fermé les voies sur berges aux voitures, il n'est ni pour ni contre la piétonisation des voies sur berges. La décision du Tribunal est motivée uniquement par l’illégalité des deux décisions en cause et fait fi de toute considération politique.
Les conséquences :
Il s’agit d’une décision exécutoire et non suspensive jusqu’à l’appel, ce qui signifie que la mairie doit tout mettre en œuvre pour rouvrir les voies à la circulation. Cependant, c’est à la Ville de décider des délais et moyens de mise en œuvre, sur lesquels aucun contrôle n’est effectué.
La maire de Paris a toutefois indiqué son intention de faire appel de cette décision.
La décision du Tribunal administratif incarne un tournant majeur en ce qu’à la suite de cette décision, Anne Hidalgo, Maire de Paris, a pris un nouvel arrêté qui ne mentionne plus des objectifs de réduction de pollution mais se base uniquement sur la préservation du patrimoine. Il n’est plus fait mention d’un objectif de “réduction des émissions de polluants atmosphériques et d’amélioration de la santé publique”, mais l'interdiction à la circulation de véhicules à moteur est fondée sur la “contribution à préserver l’authenticité et l’intégrité du bien classé au patrimoine mondial”. D’autant que la circulation “compromet également la valorisation du site à des fins esthétiques et touristiques” d’après le nouvel arrêté. Par ce nouvel arrêté, la Mairie fait fi de toute notion de mesures chiffrées et fonde son arrêté sur des considérations moins objectives, qui font plus appel à une certaine sensibilité appelant une forme de subjectivité.
Également aucun autre rapport chiffré, pour répondre aux inexactitudes relevées dans la décision du Tribunal n’a été commandité par la mairie.
Cette dernière utilise néanmoins des chiffres, mais qui n’ont pas pour source, ni objet, des mesures du taux de pollution dans l’air ou du niveau de bruit comme cela était le cas dans tous les rapports en relation avec la fermeture des voies sur berges précédemment étudiés. Ainsi, la mairie met en avant le fait que selon un sondage Ipsos, 55% des parisiens seraient favorable à la fermeture à la circulation des voies Cette enquête quantitative été réalisée entre le 2 et le 6 mars 2018 sur 1 000 personnes “constituant un échantillon représentatif de la population parisienne” pour des personnes âgées de 18 ans et plus. Il est intéressant de noter que dans les résultats de ce sondage sur l’opinion détaillée du fondement de la fermeture des voies, l’argument que la fermeture améliore le cadre de vie des habitants en permettant aux piétons et aux circulations douces de disposer de nouveaux espaces, arrive en premier avec 66% de personnes “tout à fait d’accord” et “plutôt en accord” avec. L’argument que la fermeture contribue à un objectif d’amélioration de la qualité de l’air n’arrive qu’en cinquième position avec 58% des accords. On remarque que des arguments plus subjectifs se trouvent également avancés dans l’avis public, avec néanmoins des précisions dans le sondage sur la présence de marge d’erreur, “inhérente aux lois de la statistique”.
En outre la mairie de Paris communique sur le fait qu’à partir du week-end du 17 et 18 mars, plus de 1,5 millions de visiteurs ont fréquentés les voies sur berges. La mairie explique les horaires et la répartition de cette fréquentation mais ne mentionne pas s’il s’agit de visites uniques ou cumulées, et précise seulement qu’il s’agit de comptages automatiques réalisés par des caméras. La mairie parle de ce chiffre comme du témoignage d’un véritable “engouement populaire”.
Le changement de registre de la mairie de Paris à la suite de la décision du Tribunal administratif s’appuie ainsi sur des notions plus subjectives, moins quantifiables ainsi qu’un éloignement des rapports et mesures.